Le 60ème anniversaire du Traité de l’Élysée devrait être l’occasion de célébrer l’espace ferroviaire unique européen, et non un nouveau monopole ferroviaire transfrontalier

Bruxelles, le 26 janvier 2023 : dimanche dernier fut célébré le 60ème anniversaire du traité d’amitié entre la France et l’Allemagne. Les deux pays font partie intégrante de l’Union européenne et du marché unique européen. Il est donc surprenant que leurs deux opérateurs ferroviaires publics marquent cet évènement en créant conjointement un nouveau monopole de trains à grande vitesse.

Les opérateurs historiques SNCF et DB lanceront conjointement un nouveau service ferroviaire à grande vitesse entre Paris et Berlin. Selon Bloomberg, ce nouveau service s’inscrit dans le cadre de la “transition écologique“.

Malheureusement, une telle collaboration produira l’effet opposé. Le marché ferroviaire sera réduit et le choix des consommateurs limité.

De plus, Bloomberg ajoute que “les voyageurs soucieux de l’environnement sont de plus en plus avides d’options ferroviaires“. Cela est vrai, à la seule exception que les voyageurs désirent aussi avoir davantage d’options à leur disposition.

Ironiquement, la SNCF illustre parfaitement les effets de la disponibilité de services ferroviaires à grande vitesse concurrents. Quatre mois après être entrée en concurrence avec l’opérateur historique espagnol Renfe en Espagne via sa filiale OUIGO España, et ce en pleine pandémie de COVID-19 en 2021, la SNCF s’était targuée d’une augmentation de 17% du nombre total de passagers par rapport à l’année précédant la pandémie (2019).

Plus encore, en seulement neuf mois après l’entrée en concurrence de l’opérateur historique italien FS Trenitalia avec la SNCF sur l’axe Paris – Lyon – Milan en décembre 2021, le nombre total de passagers a augmenté de 58% (voir les deux articles en annexe).

Cela démontre que le nombre de passagers augmente le plus rapidement lorsque les opérateurs ferroviaires publics à grande vitesse se font concurrence. En effet, la diversification des produits et tarifs incite de nouveaux passagers à prendre le train. C’est ainsi que la transition écologique va vraiment de l’avant.

Par conséquent, il y a lieu de se demander : pourquoi les deux plus importants opérateurs ferroviaires européens (DB et SNCF) et leurs TGV et ICE sont-ils toujours incapables/réticents de/à se concurrencer ? Les deux opérateurs seraient-ils liés par un accord de non-concurrence ? Cela est d’autant plus surprenant lorsque l’on prend en compte le fait qu’il n’y a pas d’autre opérateur à grande vitesse sur la même ligne.

Par son caractère symbolique, si ce potentiel cartel venait à prendre forme, il légitimerait de futurs projets de collaboration transfrontalière entre opérateurs ferroviaires historiques, et ce même en l’absence d’alternative pour les passagers. Cela mènera à la mort du marché européen du transport ferroviaire longue distance transfrontalier de passagers. Bien au contraire, la concurrence demeure la meilleure solution pour atteindre les objectifs de la transition verte“.

Salim Benkirane, policy officer à ALLRAIL

Annexe
L’article ci-dessous est paru en septembre 2022 dans la publication économique française Challenges:

Vous trouverez davantage de détails sur le succès de la concurrence ferroviaire à grande vitesse entre la SNCF et Trenitalia sur la ligne Paris-Lyon-Milan dans cet article publié le 25 janvier par l’observateur du monde ferroviaire Frédéric de Kemmeter.